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Issa seck

June 19, 2023 Source: Saasworthy.com
Les études contrastives

Chapitre I : Les études contrastives

 

Introduction

La proximité géographique, linguistique, historique et culturelle a souvent montré que les grands mouvements humains et les rencontres civilisationnelles sont à la base du dynamisme linguistique. Au fur et à mesure que les individus cohabitent et se côtoient, les langues s’enchevêtrent, s’entremêlent et s’influencent mutuellement. Les mutations qui s’opèrent ainsi dans les structures internes des langues sont d’autant plus évidentes que naissent de nouveaux parlers dont le développement rapide menace de disparition les langues les moins enracinées et les moins représentées sur les plans numériques et de l’usage. Dans cette perspective, après avoir montré la relation historique dans les origines des peuples Sérères et Walaf, Cheikh Anta Diop (1987 : 213-217) montre la pertinence des ressemblances entre les grammaires de ces deux langues. Il pense que la proximité géographique des peuples implique non seulement une proxémie anthropologique, c’est-à-dire un même rapport à l’espace, mais aussi des relations linguistiques historiquement et scientifiquement traçables. Les rapprochements effectués dans son étude achèvent d’asseoir l’hypothèse d’une relation entre les deux peuples et langues.

Néanmoins, les relations entre les langues se caractérisent par la proximité des modes de fonctionnement et d’organisation structurale qui prêtent parfois à confusion. De même, l’usage pluriel, les variations qui intègrent la notion de diglossie et les questions interculturelles sont par exemple imputables à l’internationalisation des langues, elle-même causée par les mouvements humains. De ce fait, la langue anglaise et la langue française constituent deux langues dont l’intérêt n’est plus à démontrer dans le monde. Les débats et les colloques multipliés pour comprendre le nouveau dynamisme des langues montrent à suffisance l’importance de ces deux langues dans les échanges humains et internationaux.

La présence d’une langue dans la construction de l’autre est attestée par l’histoire de ces deux langues depuis les grands mouvements migratoires en Europe dans l’Antiquité jusqu’aux échanges diplomatiques de l’ère moderne. Pour étudier scientifiquement la génétique de ces langues, le domaine de la linguistique a développé des méthodes d’analyse permettant d’établir les liens entre les langues et que les locuteurs perçoivent souvent de manière intuitive. Il s’agit de la linguistique contrastive encore appelée linguistique différentielle qui se sert, entre autres, de la linguistique comparée pour parvenir à ses fins. Ces deux aspects de la linguistique constituent l’objet des études contrastives. Il s’agit pour cette discipline de montrer la relation entre deux langues hypothétiquement liées tant sur le plan historique que géographique. Elle combine donc la linguistique différentielle et la linguistique historique. 

I.1 La linguistique contrastive

La linguistique contrastive est née dans les années cinquante sur la base des questionnements adressés à la didactique des langues étrangères. En effet, le problème des interférences linguistiques a interpellé des spécialistes tels que Fries, Lado, Politzer, Ferguson, Stockwell, Carol, etc. qui voyaient en elles une nouvelle solution aux obstacles de l’apprentissage d’une langue étrangère. Ils estiment que l’interférence linguistique résulte de la différence de structures entre la langue maternelle de l’élève et la langue étrangère. Les apprenants ont souvent tendance à transposer les structures de leurs langues premières dans la langue étrangère, construisant ainsi leurs connaissances de la langue sur des schèmes grammaticaux et lexicaux de la première langue dont ils maitrîsent mieux l’organisation. La linguistique contrastive visait donc à améliorer l’enseignement-apprentissage des langues sans pour autant servir le rapprochement quelconque des langues sur le plan historique.

Elle s’est construite sur un certain nombre de postulats. D’abord, elle est destinée à l’application, c’est-à-dire à des situations réelles d’apprentissage. C’est dire qu’elle exploite la linguistique descriptive pour expliquer des comportements linguistiques dans des aires plurilingues. Ensuite, elle supposait au départ que chaque langue est particulière, mais qu’il existe une unité du langage. Comme troisième postulat, la linguistique contrastive posait que l’étude d’une langue étrangère ou seconde ne pose pas les mêmes problèmes que l’apprentissage de la langue maternelle (Debyser 1970 : 4). Il s’agit donc pour la linguistique contrastive d’anticiper sur les éventuelles fautes des apprenants basées sur les interférences. Elle est donc purement pédagogique à sa base, les divergences établies entre les langues permettant ainsi de corriger les fautes d’apprentissage et de restructurer les méthodes d’enseignement selon les langues en présence.

Aujourd’hui, son objectif n’a pas changé, mais son champ d’études s’est étendu. Certes, la linguistique contrastive continue d’opposer deux systèmes linguistiques différents afin d’aguerrir l’apprenant par rapport aux problèmes d’interférences dans la langue seconde, mais elle va plus loin en remontant à la génétique et en prenant en compte le dynamisme et l’évolution des langues. Les cibles de prédilection de cette science sont les cadres sociolinguistiques bilingues et multilingues. C’est la raison pour laquelle la linguistique contrastive est également dite différentielle. Elle situe une langue par rapport à une autre langue et permet de dire si deux langues ont des origines communes. Elle se démarque ainsi de la linguistique historique en ce que cette dernière examine les structures d’une ou de plusieurs langues, qu’elles aient ou non des liens génétiques.

I.2 La linguistique historique et son objet

Encore connue sous l’appellation de linguistique comparée, la linguistique historique s’intéresse aux liens de parenté entre les langues. Elle permet de dresser les arbres généalogiques des langues et de retracer leur évolution et leur développement sur tous les plans. Contrairement à la linguistique contrastive qui examine les points convergents et divergents des langues compte non tenu de leurs origines communes, la linguistique historique ou comparée s’intéresse essentiellement aux traits de ressemblance afin d’établir avec certitude les liens évolutifs qui les unissent. Elle est donc diachronique tandis que la linguistique contrastive est synchronique. Cependant, il n’est pas exclu que l’une puisse entraîner l’autre. Par exemple, une étude contrastive peut être entreprise entre le français et l’anglais dans le cadre de l’apprentissage-enseignement, mais aboutir à l’établissement des liens de parenté par la force des recherches sur les ressemblances frappantes. De même, une recherche en linguistique historique peut entraîner une analyse synchronique des langues sans que ces dernières soient nécessairement liées. Le seul fait qu’elles soient en contact sur une même aire géographique implique la nécessité de la comparaison.

 

I.3 Les méthodes des études contrastives

Il existe deux perspectives d’analyse linguistique en études contrastives. La dichotomie diachronie/synchronie met en exergue la différence entre la linguistique historique et la linguistique contrastive. Cependant, les études contrastives en elles-mêmes s’intéressent aux deux types d’approches qui lui permettent d’asseoir définitivement l’importance de cette étude à visée traductionnelle. Autrement dit, cette dichotomie est utile à la mise en œuvre d’un enseignement efficace du thème et de la version qui préparent les étudiants aux concours des écoles de traduction. 

Ferdinand de Saussure (1972) constitue une référence en la matière pour ce qui est du camp des structuralistes (avec Claude Lévi-Strauss et Michel Foucault). Il pense que dans l’étude de la langue, le facteur « temps » (diachronie) reste incontournable et doit être considéré séparément de l’étude des « états » (synchronie). La raison est que le point de vue donne une perception différente de l’objet d’étude. Mais, dans un contexte comme le Cameroun, est-il seulement possible d’envisager l’histoire des langues officielles sans passer par les mutations qui se présentent de manière ponctuelle au locuteur ou au lecteur ? Nous considérons que le développement des langues dans un cadre géographique donné est indissociable de l’histoire qui a conduit à la présence des langues dans ce cadre précis. Autrement dit, la linguistique contrastive doit s’accommoder de la linguistique historique pour mieux éclairer ses arguments dans une perspective de préparation des apprenants aux épreuves de thème et version, donc de traduction.

I.3.1 La démarche diachronique

La langue est un fait social et historique. Elle caractérise les sociétés qui se reconnaissent à travers son dynamisme et la comprennent en fonction de ce qui a précédé ou de ce que les prédécesseurs ont accompli en la matière. La démarche diachronique stipule que les évènements passés peuvent et doivent être retracés, afin de remonter le temps et de délimiter la portée des changements qu’a subis la langue au fil des ans. De même, elle permet d’anticiper sur le futur de la langue. Saussure (1972 : 291) établit que pendant que la linguistique synchronique n’admet qu’une seule perspective, celle des sujets parlants, et par conséquent une seule méthode, la linguistique diachronique suppose à la fois une perspective prospective, qui suit le cours du temps, et une perspective rétrospective, qui le remonte. Or la méthode prospective est moins exploitée parce qu’elle semble buter sur le caractère peu scientifique de l’exploitation de la documentation dans une langue. En revanche, la rétrospection est une méthode de reconstitution par induction.

 

I.3.2 La démarche synchronique

Contrairement à la démarche diachronique, la synchronie examine statiquement les langues. Saussure (1972 : 142) y confine tous les éléments de la grammaire générale parce qu’elle s’intéresse précisément aux états de langue. Il souligne qu’en pratique, un état n’est pas un point, mais un espace de temps plus ou moins long pendant lequel la somme des modifications survenues est minime. Il s’agit donc d’une étude de la langue sur un intervalle donné, c’est-à-dire une époque précise dans le temps. Ainsi, on pourrait appliquer la démarche synchronique au français parlé au Cameroun à l’époque coloniale, postcoloniale, moderne, etc., et l’opposer à l’anglais développé sur ce même territoire sur le même intervalle, pour peu que les éléments de grammaire de l’un et de l’autre se soient influencés mutuellement.

 

II. Le français et l’anglais : deux langues indo-européennes

 

Pour Henriette Walter, l’anglais demeure pour le français un « vieux compagnon de route ». La plupart des recherches en linguistique historique s’accordent à dire que le français et l’anglais sont deux langues partageant une même langue-mère : l’indo-européen. Plus particulièrement, le français descend de la branche italique tandis que l’anglais est fille de la branche germanique. On serait pourtant tenté de croire que ces deux langues ont souvent cheminé ensemble au vu de la pertinence des interférences dans certains aspects linguistiques. L’histoire de ces deux langues mérite donc que l’on y revienne, afin de délimiter la portée de ces interférences.

II.1. Migrations, guerres et colonisations culturelles

Des linguistes comparatistes du 19e siècle comme Rasmus Rask, Auguste Schleicher et Jacob Grimm ont essayé d’établir scientifiquement l’existence de la parenté génétique entre les langues européennes et le sanskrit. En se fondant sur le comparatisme, ils tentent de résoudre des problèmes diachroniques, car la langue indo-européenne serait à l’origine de plusieurs langues d’Europe et d’Asie. Les études ont ainsi permis de réorganiser les langues indo-européennes en grandes familles dont certaines ont déjà disparu :

-          Indo-iranien : sanskrit, hindi, avestique, persan, kurde

-          Anatolien : hittite

-          Hellénique : grec classique, grec moderne

-          Tokharien, italique : tosque, ombrien

-          Tokharien, latin et langues romanes : français, portugais, espagnol, catalan, italien, roumain, romanche

-          Celtique, brittonique : cornique, gallois, breton

-          Celtique goïdélique : gaélique (manx (ois)), erse (gaélique d’Irlande, gaélique d’Ecosse

-          Baltique : vieux prussien, lituanien, letton

-          Slave : russe, polonais, slovène, serbo-croate

-          Germanique.

 

Le groupe germanique dans lequel on retrouve l’anglais se subdivise en trois grands groupes :

  1. L’ostique ou germanique oriental. Il comprend le gotique, langue de Wisigoths.
  2. Le nordique ou germanique septentrional. Il a donné naissance aux langues scandinaves comme l’islandais, le féroïen, le norvégien, le danois et le suédois.
  3. Le westique ou germanique occidental. Il a donné naissance à l’anglais/frison, le platt, le néerlandais/flamand/afrikaans, l’allemand et le yiddish (judéo-allemand).

 

Il faut d’ores et déjà préciser qu’il s’agit d’une histoire suffisamment riche qui met en exergue les différents mouvements des peuples depuis la préhistoire, la contribution des traducteurs dans la diffusion des savoirs, l’intérêt culturel de l’Europe aux époques médiévales et de la Renaissance et les influences des langues grecque et latine. Chevillet pense que les premières peuplades s’étaient installées au nord de l’Europe. Les nomades les contraignirent d’abord à se disperser vers l’Orient jusqu’en Inde, puis vers l’Occident jusqu’en Grande-Bretagne. Le dernier mouvement se fit vers le sud, notamment vers l’Afrique et l’Australasie. Ces migrations contribuèrent ainsi à l’expansion des langues indo-européennes sur le globe. Si cette thèse migrationniste portée par les Soviétiques est rejetée par l’école britannique, elle semble mieux rendre compte par son approche pluridisciplinaire.

La thèse la plus admise dans l’histoire et l’évolution des langues européennes est celle d’une stratification sociale dans la préhistoire. En effet, il existait des tribus guerrières dont l’organisation sociale imposait une distinction nette entre les guerriers, les prêtres et les artisans. Cette hiérarchisation sociale a été observée en France jusqu’à la Révolution où trois ordres régnaient : la noblesse, le clergé et le tiers état. Vers 2000, c’est-à-dire au début du IIe millénaire, ces peuples guerriers s’étaient déjà séparés en plusieurs groupes partageant néanmoins la même langue. Vers 1800, ces peuples avaient conquis pratiquement toute l’Europe et une partie de l’Asie, notamment l’Anatolie (encore appelée Asie Mineure), l’Iran, le Pakistan, la moitié nord de l’Inde, le Bangladesh actuel. Le constat qui se fait aujourd’hui est qu’il existe autant de grandes familles de langues parlées dans ces régions que de vagues d’invasions des peuples indo-européens. En Europe, les linguistes ont pu distinguer six grandes phases d’invasions qui se sont déroulées entre -2000 et -1800 correspondant aux six familles de langues indo-européennes. Il s’agit :

-          des Hellènes qui conquirent la Grèce ;

-          des Latins (italique) qui conquirent le Latium (Italie centrale) ;

-          des Slaves qui conquirent l’est de l’Europe ;

-          des Celtes qui conquirent l’Europe centrale ;

-          des Germains qui conquirent à leur tour l’Europe centrale en repoussant les Celtes vers l’Ouest ;

-          des Baltes qui conquirent les rives orientales de la mer Baltique.

Bien que le français soit une langue italique et l’anglais une langue germanique, cela n’exclut pas qu’à une certaine période de l’histoire, d’autres groupes comme les Celtes n’aient pas occupé le territoire français. C’est d’ailleurs le cas au IVe siècle où la Gaule[1] a connu l’invasion des Celtes du fait des migrations.

II.2 L’apport de la traduction dans la formation du français et de l’anglais

La traduction joue un rôle important dans la circulation des idées et l’enrichissement des langues. Pour d’Alembert, les traductions bien faites [sont] le moyen le plus sûr et le plus prompt d’enrichir les langues. Les traducteurs dans l’histoire ont souvent contribué à asseoir des projets d’envergure auprès des gouvernements. Ce sont des diffuseurs culturels qui œuvrent pour le maintien de la culture et des identités des groupes. À ce titre, le développement de l’allemand standard s’est fait grâce à Martin Luther, l’un des grands artisans de la Réforme et de la littérature allemande. Par ailleurs, Delisle et Woodsworth affirment que l’anglais doit sa forme actuelle à un mélange de diverses langues indo-européennes. Elle résulte des innombrables raids, conquêtes et conversions sur l’île britannique. Les traducteurs tels que Alfred le Grand, Geoffrey Chaucer, William Caxton et William Tyndale sont des figures de l’émancipation de cet idiome. Quant à la langue française, elle a été enrichie par des érudits tels que Nicolas Oresme, Claude de Seyssel, Clément Marot, Thomas Sebillet, Joachim du Bellay, Étienne Dolet, Jacques Amyot, pour ne citer que ceux-là.

Il faut souligner que la Bretagne a subi plusieurs invasions, ce qui justifie de la forme de la langue anglaise. Les Celtes, qui sont des peuples d’origine indo-européenne, ont occupé l’Europe centrale et donc la Bretagne. En 55 av. J.-C., l’île sera occupée par Jules César. Les langues celte et latine se sont donc côtoyées en Bretagne avec ces deux vagues de conquêtes. Une troisième vague d’invasion se fera à partir de 449. Cette fois, il s’agit des tribus teutonnes constituées des Angles, des Saxons et des Jutes. Les langues parlées par ces groupes sont de la branche germanique, raison pour laquelle l’anglais a un fond germanique. Mais, en 596, le latin regagne du terrain en Bretagne grâce à l’initiative de conversions effectuée par le premier évêque de Canterbury, saint Augustin. Il est mandaté par le pape Grégoire pour évangéliser les Anglo-Saxons et organiser l’Église d’Angleterre. Cette conversion de l’Angleterre s’est accompagnée de la traduction de l’Évangile selon Saint-Jean par le bénédictin Bède le Vénérable. L’anglais a ainsi été enrichi par d’innombrables termes d’origine latine, grecque ou hébraïque et beaucoup de mots anglais ont connu des évolutions sémantiques.

Les Scandinaves, qui ont débarqué en Angleterre après les invasions vikings qui ont débuté en 793, ont aussi influencé le vieil anglais. Alfred, qui accède au trône de Wessex en 871, devra les combattre sur les plans militaire et intellectuel. Il initie son peuple à la lecture et à l’écriture en anglais plutôt qu’en latin. Cependant, il apprend lui-même le latin pour traduire des œuvres importantes, notamment l’Histoire ecclésiastique des Angles, la Règle pastorale du pape Grégoire le Grand et De la consolation de la philosophie de Boèce. Ce désir de consolidation de la langue anglaise au travers de la traduction s’adosse sur un souvenir poignant d’Alfred :

Je me suis souvenu que la loi a d’abord été donnée en hébreu, et par la suite, lorsque les Grecs en ont pris connaissance, ils l’ont traduite dans leur propre langue, de même que tous les autres livres. Plus tard, les Romains dirent de même : lorsqu’ils eurent connaissance de ces livres, ils les traduisirent dans leur propre langue grâce à de savants interprètes. Et toutes les autres nations chrétiennes ont aussi traduit en partie ces livres dans leur langue. C’est pourquoi il me paraît bon […] de traduire dans la langue que nous pouvons tous comprendre les livres qu’il est indispensable que tous les hommes connaissent, et que nous fassions en sorte […] que tous les jeunes qui sont à présent en Angleterre hommes libres …] puissent lire n’importe quel ouvrage en anglais (cité par Swanton, 1975 : 30-32).

Il voit en la traduction un moyen idéal de sauvegarde de la langue anglaise et de faire naître un sentiment de nationalisme. Son œuvre sera perpétuée par des moines tels que Ælfric, encore appelé le grammairien. Il traduira des hagiographies et des homélies en vieil anglais. Il publiera également une grammaire latine et le tout premier dictionnaire latin-anglais.

Au 14e siècle, Chaucer, un des plus grands poètes de l’Angleterre, va continuer cette œuvre de préservation de la langue anglaise après le choc linguistique causé par la conquête normande de 1066. En effet, le français est utilisé dans les milieux officiels tandis que le latin reste la langue de l’érudition. Chaucer écrit délibérément en anglais pour redonner à cette langue ses lettres de noblesse. Il adapte plusieurs œuvres, notamment le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung du latin ; il a traduit Ovide, Vigile et Boèce et Boccace. Le poète choisit la traduction libre pour apporter des ajouts aux textes originaux. Il pose alors les bases de la poésie narrative grâce à l’adaptation. McCrum estime d’ailleurs que le style de Chaucer est inspiré de « la richesse du moyen anglais latinisé par la christianisation du pays et francisé par la conquête normande ».

Au 15e siècle, grâce aux efforts de Chaucer, l’anglais devint la langue officielle de l’administration et du Parlement. Ce choix marqua la fin de la suprématie du français et du latin. Elle fut d’autant plus effective qu’elle coïncida avec l’avènement de l’imprimerie. Cette activité menée par William Caxton, un commerçant de manuscrits enluminés qui écoulait ses produits dans les milieux bourgeois d’Angleterre. Il finit par devenir un traducteur des ouvrages rédigés en langue française. Parallèlement, il ouvrit une presse dans l’aumônerie de l’abbaye de Westminster où il était plus proche de ses clients : les aristocrates. Cette initiative contribua à faire de l’anglais de Londres la norme de la langue écrite grâce à des traductions des grandes œuvres comme les Métamorphoses d’Ovide, La Légende Dorée de Jacques Voragine, les Fables d’Esope, entre autres.

Tout comme Chaucer, John Wycliffe et ses disciples ont développé la langue anglaise grâce à leur traduction de la Bible. Ils ont le mérite d’avoir introduit dans cette langue plus de mille mots de souche latine dont plusieurs se terminent en -able, -ible, -ent, -el, -ive dans les domaines techniques. Willliam Tyndale est aussi reconnu comme un constructeur de l’anglais dans le même registre biblique. Il traduisit la Bible à partir du grec et de l’hébreu.

Concernant les peuples locuteurs de la langue française, ils ont occupé le territoire de la Gaule. Les premières langues qui y sont parlées sont l’ibère, le ligure et le gaulois. Mais ces langues n’ont pas véritablement été le français. Les Francs et les Wisigoths ayant envahi la Gaule au 5e siècle se sont vite romanisés. Plusieurs développements simultanés vont faire naître la langue française, notamment la conquête romaine, le statut du latin comme lingua franca de l’Europe médiévale, de l’Église, de l’administration, du commerce et de l’érudition.

La traduction commence à jouer un rôle crucial avec le Concile de Tours (813) lorsqu’il autorise le clergé à traduire les homélies en langue vulgaire (langue d’oïl). Cette entreprise va vulgariser cette langue parlée au nord de la Loire tandis que la langue d’oc est parlée dans le Sud. Elle rassemble plusieurs dialectes au nombre desquels le normand et le francien qui deviendra le français au 15e siècle. Les traducteurs médiévaux vont ainsi œuvrer à faire circuler les contenus des ouvrages rédigés en latin tout en cherchant à combler les manquements de la langue française naissante par des procédés de traduction.

Si, au départ, les traductions se limitaient au domaine religieux, elles gagneront les autres domaines dès le 10e siècle avec les fabliaux, les comédies ou des imitations romanesques de l’Antiquité. C’est l’ère des grands poètes comme Chrétien de Troyes, Marie de France, Rutebeuf, Jean de Meung qui s’inspirent des prédécesseurs romains pour grandir la langue française. Psautier de Metz traduit du latin en dialecte lorrain des psaumes en précisant qu’il a dû utiliser deux procédés visant à remédier à la « diseite des mos francois ». Il s’agit de l’emprunt et de la périphrase. Le latinisme à outrance que connaissent les œuvres des auteurs français impose l’entrée de nombreux mots dont certains seront éphémères. Mais la plupart vont demeurer. Ces latinismes étaient appelés en anglais des Inkhorn Terms ou mots difficiles. C’est à cette période que la langue française verra l’émergence des doublets comme hôtel et hôpital. Ces deux mots viennent du mot latin hospitalis. Le 16e siècle sera marqué par la domination de l’Italie dans tous les domaines de la vie. Cette prépondérance s’accompagne d’une forte utilisation du latin dans les relations diplomatiques, artistiques et scientifiques. Cette collaboration va favoriser la pénétration des termes relatifs aux finances (banqueroute, crédit, trafic), à la guerre (canon, alarme, cartouche), aux mœurs (courtisan, disgrâce, escapade), à la peinture (coloris, profil, miniature) et à l’architecture (belvédère, appartement, balcon, chapiteau). Il est important de souligner que cette période est caractérisée par l’humanisme et la réforme, deux courants qui s’opposent à la tradition scolastique et favorisent le brassage d’idées. Les langues et les littératures anciennes sont reconsidérées. La traduction n’est pas en reste, car les traducteurs sont aussi des vulgarisateurs grâce à la création de néologismes. Leurs prédécesseurs de l’époque médiévale ayant balisé le chemin en constatant des lacunes dans les langues vernaculaires, ils vont s’efforcer de combler ces manquements.

En 1530, François 1er crée le Collège Royal ou Collège des trois langues (latin, grec, hébreu) et promulgue en 1539 l’Ordonnance de Villers-Cotterêts qui remplace le latin par le « langaige maternel françois » dans les textes officiels. C’est dans cette logique que Claude de Seyssel sera invité par le roi Louis XII à créer une « licterature en françois ». La traduction est désormais considérée comme un moyen indéniable d’enrichissement de la langue. Mais deux écoles s’affrontent quant à cette nouvelle donne. Le groupe de traducteurs-poètes dont Clément Marot est la figure de proue estime que la traduction est un exercice de style pouvant enrichir la langue tandis que le camp des poètes humanistes de la Pléiade dirigé par Ronsard voit en celle-ci un danger pour l’homogénéité et l’harmonie de la langue. C’est dans ce climat que Joachim du Bellay est chargé, en 1549, de riposter à l’Art poétique (1548) de Thomas Sebillet. Il publie alors La Deffence et Illustration de la Langue Francoyse.

La Renaissance a connu un foisonnement de traductions et de traducteurs polyvalents qui étaient à la fois des poètes, des lexicographes, des correcteurs d’épreuves, des imprimeurs, des libraires…Ils ont ainsi contribué à la publication d’ouvrages cruciaux sur plusieurs aspects de la langue : rhétorique, art poétique, traité d’orthographe. Mais Calvin demeure l’auteur dont les traductions et les idées dominent dans cette période. Les traducteurs auront ainsi posé les jalons des langues dans leurs formes contemporaines.

 

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons parcouru les branches et les méthodes de la linguistique qui permettent de retracer historiquement le déploiement et le développement des langues dans le temps et dans l’espace. Il en ressort que la linguistique contrastive est née de la volonté des chercheurs d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage des langues. Si cet objectif n’a pas changé, le champ d’étude s’est néanmoins élargi à la linguistique historique. Celle-ci s’intéresse aux liens de parenté entre les langues pour expliquer l’évolution des grammaires et des morphologies, entre autres. Les méthodes de recherche ont également été délimitées. La méthode synchronique s’intéresse à l’état de la langue dans un intervalle espace-temps donné tandis que la démarche diachronique s’occupe d’analyser les faits linguistiques de manière prospective et rétrospective. Ainsi, la relation entre le français et l’anglais remontent à l’indo-européen qui a donné naissance à plusieurs branches de langue. Le français appartient à la branche italique alors que l’anglais est une langue germanique. Ces appartenances à des branches différentes s’expliquent par les migrations, les guerres et les colonisations qui ont contraint des peuples à entrer durablement en contact avec d’autres dans une logique soit de dominés ou de dominants. Ces contacts humains et culturels ont aussi motivé l’émergence de la traduction dont le rôle est d’établir des ponts. L’activité traductive a permis d’enrichir chacune des langues tout en favorisant la circulation des idées philosophiques, scientifiques et littéraires. Les influences mutuelles exercées par le français et l’anglais imposent de visiter les comportements phonétiques actuels.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Testez vos connaissances

Complétez le texte suivant :

1.      La linguistique contrastive est née dans les années ____________. Elle visait à améliorer ________________ des langues étrangères. Son champ de recherche s’est élargi et on a vu l’émergence de la linguistique ____________. Cette dernière consiste à remonter dans la généalogie des langues afin de trouver des liens de parenté et de mieux décrire les ressemblances phonétiques, morphologiques et syntaxiques entre les langues. Pour ce faire, elle utilise deux méthodes, notamment la démarche ________ et la méthode __________. La démarche ____________ permet de délimiter la portée des changements qu’a subis la langue au fil des ans tandis que la démarche ___________ examine statiquement les langues. Les scientifiques ont utilisé ces méthodes pour démontrer que l’anglais est un « vieux compagnon de route » du français. En effet, les deux langues ont connu d’importants contacts dus aux _____________, aux ____________ et aux _____________. Elles sont d’ailleurs toutes filles du _________, une langue _____________ qui a également engendré d’autres langues d’____________ et d’_____________. L’approche comparatiste a permis d’établir les grandes familles de langues dont certaines ont déjà disparu. Ainsi, la famille indo-iranienne compte le ____________, l’_________, l’__________, le _____________ et le ____________. La famille ___________ comprend le hittite, la famille hellénique englobe le ______________ et ___________, le ________________ comprend le tosque et l’ombrien. Le tokharien latin et langues romanes a pour filles le ___________, le ___________, l’__________, le ___________, l’___________, le __________ et le ___________. Le groupe celtique brittonique abrite le cornique, le gallois et le breton. Le celtique goïdélique a engendré le _______________ et l’______________. Dans la famille baltique, on compte le vieux ____________, le __________ et le ____________. La famille slave a le __________, le __________, le __________ et le _____________. La ______________ a été plus prolifique et a donné naissance à trois sous-groupes de familles. Il s’agit de l’ostique, le nordique et le westique. Parmi les langues du groupe germanique oriental, on retrouve le _______________. Quant au germanique septentrional, il compte l’____________, le ___________, le _______________, le ___________ et le ____________. Enfin, le sous-groupe ______________ ou germanique occidental regroupe l’__________, le ____________, le __________, le _____________, le ____________, l’____________, l’___________ et le ____________. Les langues française et anglaise doivent leur forme actuelle à une longue tradition liée à la structure des sociétés médiévales. Ces dernières sont issues des contacts entre les peuples. On note que les Hellènes ont conquis la ___________ ; les latins ont conquis le _________ ; les Slaves conquirent _________________________ ; les _______________ conquirent l’Europe centrale, les _____________ conquirent tour à tour l’Europe centrale et les _______________ conquirent les rives orientales de la mer baltique.

 

Complétez le texte suivant :

2.      Outre les conquêtes, l’activité de traduction a contribué à enrichir les langues en contact. C’est le cas de ___________________, _______________, _____________ et _______________ qui ont émancipé la langue anglaise. Quant au français, des traducteurs comme ______________, _____________, _____________, __________, _______________, ________________ et _____________ ont contribué à lui donner forme. Il faut souligner que la Bretagne a subi plusieurs invasions. En 55 av. J.-C., l’île sera occupée par ________________. C’est dire que les langues celte et latine se sont côtoyées en Bretagne. À partir de 449, les tribus teutonnes constituées des peuples ___________, __________ et __________ vont y séjourner. La conversion de l’Angleterre sera accompagnée de la traduction de l’Évangile selon _____________ par le bénédictin _______________. Alfred le Grand initie son peuple à la langue anglaise et apprend lui-même le ________________ pour traduire des œuvres importantes. Il pense que la traduction est un moyen idéal pour sauvegarder la langue anglaise et publiera le tout premier dictionnaire ___________. Au 14e siècle __________, un des plus grands poètes d’Angleterre va continuer l’œuvre d’Alfred le Grand. Grâce à ses efforts, l’anglais deviendra la langue de l’administration et du Parlement. Comme Chaucer, ___________ et _______________ développent la langue anglaise en traduisant la Bible. Les peuples qui parlaient la langue française occupaient le territoire de la Gaule. Les premières langues qui y sont parlées sont l’____________, le ___________ et le _____________. L’activité de traduction commence avec le Concile de Tours. Il autorise le clergé à traduire les homélies en langue d’oïl. Cette entreprise permet de vulgariser cette langue au nord tandis que la langue d’oc s’étend au sud. Cette période est caractérisée par l’émergence de grands poètes comme ____________, __________, ____________ et ____________ qui s’inspirent de leurs prédécesseurs comme ___________. En 1530, François 1er crée le _________________ des trois langues notamment le __________, le __________ et l’________________et promulgue en _________ l’Ordonnance de Villers-Cotterêts qui remplace latin par le _________________. La traduction commence à être considérée comme un moyen d’enrichissement de la langue.

 

Corrections

1.      La linguistique contrastive est née dans les années cinquante. Elle visait à améliorer l’apprentissage des langues étrangères. Son champ de recherche s’est élargi et on a vu l’émergence de la linguistique historique. Cette dernière consiste à remonter dans la généalogie des langues afin de trouver des liens de parenté et de mieux décrire les ressemblances phonétiques, morphologiques et syntaxiques entre les langues. Pour ce faire, elle utilise deux méthodes, notamment la démarche diachronique et la méthode synchronique. La démarche diachronique permet de délimiter la portée des changements qu’a subis la langue au fil des ans tandis que la démarche synchronique examine statiquement les langues. Les scientifiques ont utilisé ces méthodes pour démontrer que l’anglais est un « vieux compagnon de route » du français. En effet, les deux langues ont connu d’importants contacts dus aux migrations, aux guerres et aux colonisations culturelles. Elles sont d’ailleurs toutes filles du sanskrit, une langue indo-européenne qui a également engendré d’autres langues d’Europe et d’Asie. L’approche comparatiste a permis d’établir les grandes familles de langues dont certaines ont déjà disparu. Ainsi, la famille indo-iranienne compte le sanskrit, l’hindi, l’avestique, le persan et le kurde. La famille anatolienne comprend le hittite, la famille hellénique englobe le grec classique et moderne, le tokharien italique comprend le tosque et l’ombrien. Le tokharien latin et langues romanes a pour filles le français, le portugais, l’espagnol, le catalan, l’italien, le roumain et le romanche. Le groupe celtique brittonique abrite le cornique, le gallois et le breton. Le celtique goïdélique a engendré le gaélique et l’erse. Dans la famille baltique, on compte le vieux prussien, le lituanien et le letton. La famille slave a le russe, le polonais, le slovène et le serbo-croate. La branche germanique a été plus prolifique et a donné naissance à trois sous-groupes de familles. Il s’agit de l’ostique, le nordique et le westique. Parmi les langues du groupe germanique oriental, on retrouve le gotique. Quant au germanique septentrional, il compte l’islandais, le féroïen, le norvégien, le danois et le suédois. Enfin, le sous-groupe westique ou germanique occidental regroupe l’anglais, le frison, le platt, le néerlandais, le flamand, l’afrikaans, l’allemand et le yiddish. Les langues française et anglaise doivent leur forme actuelle à une longue tradition liée à la structure des sociétés médiévales. Ces dernières sont issues des contacts entre les peuples. On note que les Hellènes ont conquis la Grèce ; les Latins ont conquis le Latium ; les Slaves conquirent l’est de l’Europe ; les Celtes conquirent l’Europe centrale, les Germains conquirent tour à tour l’Europe centrale et les Baltes conquirent les rives orientales de la mer baltique.

 

Outre les conquêtes, l’activité de traduction a contribué à enrichir les langues en contact. C’est le cas de William Caxton, Alfred le Grand, Geoffrey Chaucer et William Tyndale qui ont émancipé la langue anglaise. Quant au français, des traducteurs comme Nicolas Oresme, Claude de Seyssel, Clément Marot, Thomat Sebillet, Joachim du Bellay, Étienne Dolet et Jacques Amyot ont contribué à lui donner forme. Il faut souligner que la Bretagne a subi plusieurs invasions. En 55 av. J.-C., l’île sera occupée par Jules César. C’est dire que les langues celte et latine se sont côtoyées en Bretagne. À partir de 449, les tribus teutonnes constituées des peuples Angles, Saxons et Jutes vont y séjourner. La conversion de l’Angleterre sera accompagnée de la traduction de l’Évangile selon Saint-Jean par le bénédictin Bède le Vénérable. Alfred le Grand initie son peuple à la langue anglaise et apprend lui-même le latin pour traduire des œuvres importantes. Il pense que la traduction est un moyen idéal pour sauvegarder la langue anglaise et publiera le tout premier dictionnaire latin-anglais. Au 14e siècle Chaucer, un des plus grands poètes d’Angleterre va continuer l’œuvre d’Alfred le Grand. Grâce à ses efforts, l’anglais deviendra la langue de l’administration et du Parlement. Comme Chaucer, John Wycliffe et William Tyndale développent la langue anglaise en traduisant la Bible. Les peuples qui parlaient la langue française occupaient le territoire de la Gaule. Les premières langues qui y sont parlées sont l’ibère, le ligure et le gaulois. L’activité de traduction commence avec le Concile de Tours. Il autorise le clergé à traduire les homélies en langue d’oïl. Cette entreprise permet de vulgariser cette langue au nord tandis que la langue d’oc s’étend au sud. Cette période est caractérisée par l’émergence de grands poètes comme Chrétien de Troyes, Marie de France, Rutebeuf et Jean de Meung qui s’inspirent de leurs prédécesseurs comme Psautier de Metz. En 1530, François 1er crée le Collège Royal des trois langues notamment le latin, le grec et l’hébreu et promulgue en 1539 l’Ordonnance de Villers-Cotterêts qui remplace latin par le langaige maternel francois. La traduction commence à être considérée comme un moyen d’enrichissement de la langue.

 

[1] Ancien nom donné au territoire correspondant essentiellement à la France, mais, en ayant le Rhin pour limite. Elle comprend aussi les actuels Luxembourg et Belgique, ainsi qu’une partie des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la Suisse.

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